Aménagement des bassins versants : les approches

 

La semaine dernière, partant de la définition de l’agroforesterie comme « un système d’aménagement durable qui … applique des techniques qui sont compatibles avec les habitudes sociales des populations locales » (voir Haïti en Marche, Vol. XXII, No. 50, du 7 au 13 janvier 2009), nous nous étions promis d’aborder la dimension sociale dans le cas de l’aménagement des bassins versants.

 

Pour le faire, nous utiliserons une émission réalisée, en octobre de l’année dernière, sur Mélodie FM, avec Alain Thermil, qui voulait exposer « son plaidoyer pour une autre approche des bassins versants ». (La transcription de cette émission est disponible sur le site www.etheart.com).

 

Cette nouvelle approche consiste à voir le bassin versant comme une unité. Alain insiste en effet beaucoup sur le fait que ce qui se passe dans la partie supérieure du bassin a une influence sur les parties inférieures, et même au niveau de la mer. Il cite ce constat que peuvent faire tous ceux qui survolent Haïti, à savoir que, au niveau des embouchures des rivières, la mer a une affreuse couleur brune qui vient des particules entraînées par les eaux de ruissellement.

 

Sans aller jusque là, nous savons que la dégradation de la partie supérieure d’un bassin versant entraîne une baisse du débit des rivières, catastrophique pour les paysans qui utilisent cette eau pour l’arrosage de leurs cultures dans la partie inférieure du bassin. On peut également citer le cas du système d’irrigation de la Tannerie, dans les communes de Milot et de Quartier Morin, dont le barrage avait été complètement ensablé, avant d’être emporté, par les alluvions de la Grande Rivière du Nord.

 

Pour désigner cette approche, qui considère les aspects topographiques ou géographiques du bassin versant, nous utiliserons le concept d’approche « holistique », afin de ne pas créer de confusion avec l’approche intégrée, qui touche à la dimension sociale de l’aménagement d’un bassin versant.

 

Cette approche consiste à composer avec les gens qui vivent dans les bassins versants, qui y ont leurs habitudes de vie, ou de survie. Car il ne faut pas perdre de vue que, compte tenu de la densité de population du pays, la plupart des bassins versants sont habités et exploités, et que ce sont bien souvent des modes d’exploitations inappropriés qui sont cause de la dégradation.

 

Nombreux sont ceux qui proposent de déplacer tout simplement ces populations, sans se poser la question de la destination de ces déplacements de population. Il faudra un certain temps avant de leur faire comprendre que ce déplacement se fera de lui-même, quand la structure économique du pays aura évolué vers le développement d’autres secteurs capables d’absorber le surplus de population active actuellement sous-employée dans le secteur agricole.

 

Aussi longtemps que ces conditions ne seront pas réunies, nous allons devoir compter avec les populations vivant sur les bassins versants, car il faudra non seulement les convaincre de modifier certains de leurs comportements, mais aussi obtenir leur contribution dans la mise en places de structures de protection, qu’il s’agisse de planter des cultures anti-érosives ou de l’implantation de structures physiques.

 

C’est dans ce sens que Arabella Adam, dans une émission sur la biodiversité, réalisée sur Mélodie FM en février de l’année dernière, après avoir cité le reboisement des bassins versants comme une des premières mesures de protection de la biodiversité, avait insisté pour que cela soit fait de manière participative. (La transcription de cette émission est également disponible sur le site www.etheart.com).

 

 

 

Pour que les non-initiés puissent comprendre de quoi nous parlons quand nous évoquons le concept de participation, je vais simplement reprendre quelques passages d’un mémo adressé par l’INARA au cnigs (Centre National d’Informations Géo-Spatiales) à propos de la mise en œuvre du PITDD (Programme d’Informations Territoriales pour le Développement Durable) :

 

Dans notre papier sur la participation de l’INARA au PITDD, nous avions mentionné que, conformément aux attributions formulées dans le décret portant création de l’institut, notre action vise à obtenir la participation de la population à la gestion des bassins versants ou des parcs. Nous conformant aux prescrits du décret, nous avons placé la participation parmi les grandes catégories d’activité dans nos programmes. Quand nous parlons de participation nous comprenons les relations que nous entretenons avec les organisations de base, qui doivent déboucher sur la responsabilisation, par exemple, dans le cadre de ce que, sur les fermes reformées de l’Artibonite, nous avons appelé les comités de gestion. Dans le cadre de l’application bassin versant, un comité de gestion représenterait l’ensemble de la population vivant sur le bassin versant, éventuellement regroupée en un certain nombre d’organisations de base, et c’est à travers ce comité de gestion

∙          que nous pourrons faire passer l’information relative au projet, à ses objectifs et ses modalités de mise en œuvre,

∙          que, grâce à cette information, nous pourrons obtenir l’adhésion de la population au projet,

∙          que, grâce à cette adhésion, nous pourrons obtenir sa collaboration, par des éclaireurs, quand nous ferons l’étude foncière, ou, plus tard, éventuellement, lors de la mise en place d’aménagements physiques.

 

Il est évident, que pour la réalisation d’un tel programme, il est indispensable que les représentants de la population disposent des informations nécessaires à une participation constructive au processus de prise de décision. Cela suppose un programme d’éducation touchant non seulement les dits représentants mais l’ensemble de la population concernée.

 

Par ailleurs, il est important de combiner les deux approches, holistique et participative. Les personnes vivant sur les différents secteurs du bassin versant doivent se rencontrer de manière à ce que chaque groupe connaisse les problèmes et besoins de l’autre. Nous connaissons une zone où ce genre de rencontres a déjà commencé à prendre place. Il s’agit de la zone dite « goâvienne » (Grand Goâve – Petit Goâve) où les usagers des systèmes d’irrigation ont entamé des discussions avec les paysans vivant dans les parties supérieures du bassin versant pour voir quel type d’activité de protection ils peuvent mener de concert. (On pourra trouver des informations sur ces développements dans les émissions réalisées sur Mélodie FM sur le PPI et le FAG dont les transcriptions sont disponibles sur le site www.etheart.com).

 

Autrement dit, tout ce que nous avançons n’a rien d’utopique, il suffit d’un peu de vision et de persévérance dans l’effort.

 

 

Bernard Ethéart

Haïti en Marche, Vol. XXII, No. 51,

du 14 au 20 janvier 2009