Au début de cette année, je me suis lancé dans une tentative de donner un contenu concret à ce concept d’économie verte dont il a tellement été question pendant et autour de la Conférence des Nations Unies sur le Développement Durable qui s’était tenue l’année précédente à Rio de Janeiro. Tentative audacieuse qui m’a coûté la publication de douze papiers sur une période de six mois. Récemment je tombais sur une série de notes concernant une économie dite circulaire. Je n’en ai pas encore parlé à mes lecteurs, mais ai fait une émission là-dessus à la fin du mois dernier. Et voilà que aujourd’hui j’ai sous les yeux un document de l’Agence Française de Développement (AFD) avec pour titre : L’économie sociale et solidaire, un atout pour la coopération décentralisée.

Je vous assure que je ne fais pas exprès. La réalité est que on peut trouver aujourd’hui énormément de publications sur l’économie, qui ne sont cependant pas le fait d’économistes bcbg, mais de citoyens qui tentent d’avoir une autre vision, on pourrait dire une vision alternative de ce secteur dont nous dépendons tous, et je dois dire que c’est une bonne chose. En effet, pour paraphraser Clémenceau, l’économie est une chose trop importante pour qu’on la laisse aux économistes ; j’en veux pour preuve cette crise dans laquelle ils ont plongé le monde avec certaines de leurs belles théories.

 

Mais qu’est-ce donc que cette économie sociale et solidaire ? Pour répondre à cette question, je vais utiliser un petit encadré qui se trouve au début du document de l’AFD.

 

Et pour commencer, l’économie sociale. Apparue au xIxème siècle, l’économie sociale se donne pour objectif de faire vivre des initiatives économiques et sociales fondées sur des principes autres que la rentabilité et la rémunération du capital. Elle se caractérise par un certain nombre de principes fondateurs :

$1-        liberté d’adhésion,

$1-        primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition de ses surplus et revenus (non-rémunération du capital),

$1-        indépendance à l’égard des pouvoirs publics,

$1-        gestion interne démocratique.

Le texte cite plusieurs personnalités, penseurs, réformateurs, qui sont considérées comme étant à l’origine de ce mouvement :

Robert Owen, fondateur du mouvement coopératif en Angleterre,

Charles Fourier, penseur des phalanstères (ensemble de bâtiments à usage communautaire),

Philippe Buchez, sociologue, à l’origine des associations ouvrières de production,

Louis Blanc, créateur des ateliers sociaux,

Pierre-Joseph Proudhon, inspirateur du mutuellisme et de l’autogestion.

L’économie solidaire, elle, aurait puisé ses racines dans l’économie sociale. Elle s’est développée, sur des bases militantes, à partir des années 1970, dans un contexte marqué par la crise économique et le chômage. Elle cherche à répondre aux besoins non satisfaits et aux limites des politiques traditionnelles en proposant de nouveaux modes de production et d’alternatives économiques «solidaires» : commerce équitable, insertion par l’activité économique, circuits courts de distribution, etc. Mettant davantage l’accent sur la réduction des inégalités, elle se définit avant tout par ses finalités (insertion, lien social, produire autrement).

Au début des années 2000, ces deux concepts se mêlent pour désigner un ensemble d’activités très diverses qui ont trois points communs :

$1-        un projet économique inscrit dans le marché (modèle économique viable, réponse à une demande, création de richesses …),

$1-        une finalité sociale (lutte contre l’exclusion, création d’emplois durables, valorisation d’un territoire …),

$1-        une gouvernance participative.

L’AFD étant très engagée dans la coopération décentralisée, on comprend que ce soit le côté économie solidaire qui l’intéresse au premier chef, mais pour moi c’est l’économie sociale que je voudrais explorer. La lecture de ces quelques lignes m’a renvoyé à mes années d’université et je  me dis que j’aurais intérêt à revisiter quelques-uns de ces auteurs cités plus haut. Ils ont vécu à une époque marquée par les bouleversements provoqués par l’industrialisation. Aujourd’hui, notre société est également dans une période de changement et nous pourrions apprendre d’eux, non pas des recettes toutes faites à mettre en application, mais une méthodologie d’analyse et de propositions de solutions aux problèmes auxquels nous nous faisons face.

Ceci dit, nous ne sommes pas dans la pure théorie. Au cours d’une émission que j’ai faite récemment sur les caisses populaires en Haïti, j’ai pu apprendre qu’elles font face à une menace de voir certains de leurs principes de base mis de côté au profit d’une vision purement « capitaliste », avec toutes les connotations négatives que cela suppose. Je m’étais promis d’approfondir la question, aujourd’hui je suis encore plus encouragé à le faire, car enfin nous ne sommes probablement pas seuls dans ce combat pour un monde plus humain.

Bernard Ethéart

Miami, 16 septembre 2013

HEM Vol. 27 # 35 du 18-24/09/2013